Transparent et équitable : moderniser le financement politique au Canada fait huit recommandations visant à renforcer les règlements sur le financement politique en vigueur au Canada. Le rapport suit une revue de la littérature et une table ronde sur le financement politique le 11 octobre 2017, organisé en partenariat avec Élections Canada. Trois discussions ont eu lieu durant la journée, sur les thèmes suivants : le financement public et privé, la transparence et les dépenses électorales.

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Transparent et équitable : moderniser le financement politique au Canada fait suite a une table ronde sur le financement politique tenue le 11 octobre 2017 par le Forum des politiques publiques publiques (FPP), en partenariat avec Élections Canada. Les discussions étaient axées sur trois thèmes : le financement public et privé, la transparence et les dépenses électorales.

La séance d’ouverture a révélé un degré raisonnable d’aisance chez les participants concernant le rôle de l’État dans la réglementation des flux d’argent dans la vie politique, afin d’assurer la transparence et de maintenir des règles du jeu équitables parmi les entités politiques concurrentes. En outre, tous sont d’avis que l’État est responsable de financer la concurrence politique, au moyen de remboursements des dépenses électorales et de crédits d’impôt, pour assurer une démocratie saine et un échange d’idées robuste. Toutefois, le fait de trop dépendre du financement de l’État peut être contreproductif car les entités politiques risquent de s’éloigner des électeurs et d’être peu réceptives à leurs besoins. Par contre, une trop grande dépendance envers les donateurs privés peut faire en sorte que les entités politiques se sentent obligées de satisfaire les exigences de leurs donateurs, spécialement les plus aisés. Il n’existe pas de formule parfaite, mais un équilibre entre les sources de financement public et privé est souhaitable. Au Canada, le statu quo est relativement équilibré : les partis et les candidats reçoivent la majeure partie de leur argent au moyen de contributions privées de personnes, tandis que le gouvernement rembourse les dépenses électorales en périodes d’élection et donne des contributions indirectes au moyen de crédits d’impôt. Les dons des entreprises et des syndicats ont été bannis en 2007, et il est peu probable qu’on les autorise de nouveau.

Le régime du financement politique doit être conçu de façon à réglementer bien plus que l’argent et à assurer l’intégrité de la démocratie canadienne.

Sur la question de la transparence, les participants ont exprimé le besoin de faire plus de lumière sur les activités des tiers : des personnes et des groupes qui tentent d’influencer le vote tout en n’étant pas des candidats inscrits ou des partis. La participation des tiers aux élections est un droit protégé par la Charte, mais les Canadiens ont besoin de savoir que les activités des tiers sont légitimes et transparentes et qu’elles ne minent pas des règles du jeu équitables pour toutes les entités politiques. En raison du fait que les activités des tiers se prolongent au-delà des élections, il est difficile de faire la distinction et de faire le suivi de leurs dépenses et de leur engagement dans les campagnes, de même que des contributions qu’ils reçoivent de donateurs ou de l’utilisation de leurs propres fonds. On se préoccupe de plus en plus de l’engagement probable d’acteurs étrangers dans la démocratie canadienne et les élections, en termes de dons non comptabilisés et d’autres formes d’intervention dans les résultats des élections. Une fois encore, il peut parfois être difficile de faire des distinctions, compte tenu de l’ouverture de la société canadienne et de la nature internationale des sociétés, des syndicats et des organisations non gouvernementales. La divulgation et la transparence pour toutes les entités politiques pourraient être améliorées de diverses façons, par exemple si l’on était mieux renseigné sur les contributions non monétaires et si l’on faisait un meilleur suivi des contributions et des dépenses des tiers.

Les campagnes électorales ont été transformées de façons imprévisibles par l’introduction d’élections à date fixe. Les règles électorales doivent être mises à jour. C’est particulièrement vrai car les dates fixes se normalisent dans les administrations fédérales et provinciales. Par le passé, les premiers ministres provinciaux et fédéraux de gouvernements majoritaires et minoritaires se sont rendus coupables de demander des dissolutions à des moments propices sur le plan politique, mais maintenant tous connaissent le « calendrier » électoral et peuvent tirer profit du nouveau système. Avec des dates fixes, les activités électorales commencent bien avant le déclenchement d’une élection car les intervenants politiques peuvent prévoir, avec peu de risque de se tromper, le moment choisi pour la tenue de l’élection. En outre, étant donné que le plafond des dépenses s’applique seulement durant la période électorale, il est tentant pour les entités politiques d’augmenter les dépenses avant le déclenchement de l’élection. Pour ces raisons, le gouvernement de l’Ontario a décidé de réglementer les dépenses dans les six mois qui précèdent une élection. La nouvelle loi est contestée devant les tribunaux par la coalition des familles de travailleurs sous prétexte que les restrictions concernant les dépenses des tiers avant et pendant la période électorale constituent une violation du droit d’expression des groupes, tel que protégé à l’article 2 b) de la Charte canadienne des droits et libertés. Le procureur général de l’Ontario, Yasir Naqvi a déclaré qu’il croit que la loi est conforme à la Charte.

Le monde du financement politique a changé considérablement depuis que les principaux paramètres du régime actuel ont été introduits pour la première fois en 1974. La communication politique ne s’adresse plus nécessairement à un public national ou à des sous-ensembles géographiques; de plus, les micromessages ciblés transmis au moyen de canaux numériques sont de plus en plus perçus comme un mécanisme rentable pour avoir accès à des groupes très précis, selon leurs comportements et leurs préférences. La prolifération de peut-être des milliers de messages ciblés sur des centaines de canaux, s’adressant à aussi peu que plusieurs douzaines de personnes fait en sorte qu’il est plus difficile de vérifier le contenu des messages. Le support numérique permet une circulation rapide du contenu, et en raison de la diminution du nombre de contrôleurs d’accès, de la distribution de fausses nouvelles. Le régime du financement politique doit être conçu de façon à réglementer bien plus que l’argent et à assurer l’intégrité de la démocratie canadienne en tenant les entités politiques responsables du contenu numérique et des micromessages ciblés tout en prenant bien soin de ne pas empiéter sur les droits à la liberté d’expression.

À la lumière des enjeux, des priorités et des défis soulevés durant les discussions autour de la table ronde et de l’examen de la documentation, le Forum des politiques publiques formule les recommandations suivantes pour renforcer les règlements sur le financement politique en vigueur au Canada :

  1. Permettre seulement aux électeurs admissibles (c.-à-d. les Canadiens) de faire des contributions politiques.
  2. Créer des règles du jeu équitables afin que les dons faits aux tiers enregistrés correspondent à ceux des partis politiques.
  3. Prolonger les délais pour que les dépenses électorales s’appliquent six mois avant la date fixée pour l’élection.
  4. Augmenter la transparence concernant les tiers.
  5. Maintenir l’équilibre existant entre les contributions publiques et privées.
  6. Réduire le seuil du remboursement par l’État.
  7. Réglementer les contributions en nature en imposant des sanctions administratives.
  8. Augmenter la transparence des médias sociaux et du micro-ciblage.

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